L'investissement responsable poursuit sa montée en puissance. Aujourd'hui, presque tous les acteurs proposent des fonds "ESG" et revendiquent cette approche. Pourtant, la lisibilité de ces produits reste perfectible car il est parfois compliqué de les distinguer et d'identifier leur efficacité "réelle". Quelques éléments pour mieux l'évaluer…
Lors du dernier débat, Arnaud Faller - Directeur Général Délégué en charge des investissements, CPR AM, Emeric Preaubert - Founding Partner, Sycomore AM et Olivier Guillou - Directeur de la gestion, Ecofi ont échangé sur l'efficacité "réelle" de l'ESG.
En mars dernier, le règlement SFDR (Sustainable Finance Disclosure) est entré en application pour les sociétés de gestion de portefeuille. Il définit 2 nouvelles catégories de produits présentant des caractéristiques extra-financières. « Les produits dits article 8 concernent les fonds qui assurent la promotion des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (
Les sociétés de gestion doivent se conformer à cette nouvelle norme. Il leur revient cependant d'identifier les produits dans leur gamme relevant de ces 2 articles. « La réglementation européenne est en gestation depuis longtemps, mais elle est ensuite mise en œuvre assez vite. Tellement vite que nous n'avons pas encore les explications techniques », souligne Olivier Guillou, Directeur de la gestion chez Ecofi. En effet, ces normes techniques de réglementation (RTS) ne rentreront pas en vigueur avant le 1er janvier 2022.
Entre ces nouvelles dispositions européennes, la doctrine AMF et la multiplication ces dernières années des labels de finance durable (ISR et Greenfin en France, FNG en Allemagne, Luxflag au Luxembourg, Towards Sustainability en Belgique...), pas facile de s'y retrouver ! « Les labels sont quand même la garantie pour l'investisseur d'avoir une vraie équipe appliquant les principes ISR dans la gestion », rappelle Olivier Guillou. Mais le marché va-t-il se structurer autour d'un de ces repères en particulier ? Pour Arnaud Faller de CPR AM, il n'y a pas d'équivalence. « SFDR est une logique de transparence : "Dites ce que vous faites, faites ce que vous dites". La doctrine AMF et le label sont des logiques prescriptives : "Voici ce que vous avez le droit de faire si vous voulez vous appeler ESG" », indique-t-il.
Deux écoles s'affrontent quand il s'agit d'investir "responsable". D'un côté, certains gérants optent pour des portefeuilles contenant des sociétés respectant pleinement les critères extra-financiers. D'autres tolèrent des sociétés moins vertueuses mais étant dans une démarche de transition. « Un portefeuille ISR efficace, c'est-à-dire pas simplement à la mode parce que ça fait chic de parler d'ISR, intègre bien évidemment des "purs-players" comme sur les énergies renouvelables. Mais le plus important pour nous est de regarder la dynamique et donc d'investir dans des entreprises qui aujourd'hui ne sont pas "parfaites" mais ont engagé une évolution que ce soit sur l'aspect climatique, la gouvernance, le social... c'est l'essentiel de notre travail », affirme Emeric Préaubert, fondateur de l'entreprise à mission Sycomore AM. En somme, il estime "réducteur" de définir l'ESG comme uniquement investir sur des éoliennes et des panneaux solaires.
Selon lui, inclure ce type de sociétés est la "version 2.0 de l'ISR". « Nous sommes passés d'un stade où tout le monde s'en foutait, il y a 20 ans, à un stade où toutes les sociétés de gestion en parlent, à commencer par BlackRock. C'est devenu totalement "mainstream"... et c'est très bien ! » remarque-t-il. Ecofi est également attaché à cette notion de progression des sociétés et invite surtout au dialogue avec elles. « Si la première chose que vous faites est d'exclure des valeurs sur les principes d'un instant T, vous ne pourrez pas les interpeller en assemblée générale », ajoute Olivier Guillou. Collectivement, les acteurs de la finance semblent devenir de plus en plus actifs pour poser des questions aux entreprises, notamment sur le thème du climat. « Les meilleurs de la classe peuvent aussi s'endormir et il faut de temps en temps les réveiller car l'exigence est beaucoup plus forte qu'il y a 4 ans », complète Arnaud Faller de CPR AM.
L'étape suivante est celle de l'impact, un sujet sur lequel il reste presque tout à faire. « Le premier point est l'intentionnalité : est-ce qu'il y a une démarche sincère de l'entreprise pour aller vers le mieux et avoir un impact positif ? Ensuite vient l'additionnalité : est-ce que si je n'étais pas actionnaire de la société les choses ne seraient pas les mêmes ? », se demande systématiquement pour Sycomore AM Emeric Préaubert.
Si ces considérations concernent la relation société de gestion / entreprise cotée, l'épargnant doit pouvoir disposer de mesures de cet impact. Ecofi publie ainsi une note ESG pour chaque valeur en portefeuille, grâce aux données récupérées auprès des entreprises. « La problématique de la data est un enjeu majeur pour les sociétés de gestion. Notre demande repose sur des rapports standardisés et des scénarios basés non pas sur des modèles internes mais des données scientifiques auditées », précise Olivier Guillou. Ecofi retient pour l'instant 6 critères ESG qu'elle met en avant dans ses rapports : l'impact sur les émissions à effet de serre, l'alignement avec le scénario 2°, la variation des effectifs, la représentativité des femmes aux postes d'encadrement, le partage de la valeur économique et la représentativité fiscale. Autant d'indicateurs accessibles permettant à l'épargnant de quantifier l'impact de son investissement.
De son côté, Sycomore AM vise à proposer des métriques d'analyses les plus objectives et quantitatives possibles. « Depuis des dizaines d'années, il y a des modèles d'analyse financière. Il faut désormais développer des modèles d'analyse extra-financière », prône son co-fondateur. Dans cet esprit, la société de gestion a développé il y a plus de 5 ans la NEC (Net Environmental Contribution). Elle a pour but de mesurer l'impact environnemental de toutes les sociétés analysées (en termes de CO2 évidemment, mais aussi de biodiversité, préservation des sols et origine des matières premières, recyclage, utilisation de l'eau...). L'objectif est de présenter aux investisseurs un corpus de datas solide pour appréhender de manière holistique ces sujets.
Annuellement, CPR AM publie des rapports d'impact complets. Ils illustrent concrètement les conséquences sur chaque thème d'investissement. Une récente étude menée par la société de gestion, conjointement avec Deloitte et Insight AM, concluait d'ailleurs que les conseillers financiers mais également les clients finaux réclamaient plus de concret. « Publier les notes ESG moyennes des portefeuilles est évident. Simplement, cela parle de moins en moins à l'épargnant. Les rapports d'impact sont une réponse à cette demande », justifie Arnaud Faller.
Finalement, déclarer prendre en compte les critères ESG et même se faire labellisér n'est plus une finalité mais seulement une étape pour les fonds "responsables". Les gérants en ont conscience et les plus avancés développent de plus en plus d'indicateurs permettant à l'investisseur d'en évaluer l'efficacité. « Comme tout le monde fait de l'ISR aujourd'hui, les clients n'achètent pas sans regarder mais veulent qu'on leur explique. La différence se fera entre ceux qui ont une démarche sincère et construite, par rapport à ceux qui suivent la vague en mettant un peu de peinture verte car sinon ils n'arrivent pas à vendre leurs fonds », conclut Emeric Préaubert de Sycomore AM.
Gageons que cela entraînera rapidement l'ensemble du marché dans cette course à la mesure d'impact. Une dynamique évidemment favorable à l'investisseur dans sa quête de transparence.
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