Depuis quelques mois, les professionnels de l'immobilier sont nombreux à tirer la sonnette d'alarme en demandant une intervention de l'Etat pour éviter la catastrophe.
Tout d'abord, il ne faut pas confondre « crise immobilière » et « crise du logement ». L'immobilier est un vaste univers qui, au-delà du logement, peut être composé de bureaux, de commerces, de centres commerciaux, d'entrepôts, d'établissements de santé ou d'éducation, d'hôtels, ou de résidences secondaires… Ici je ne parle que du logement en France, c'est-à-dire de la résidence principale des français.
L'Etat a imaginé toute une série de mesures et d'aides pour inciter les épargnants à investir dans l'immobilier résidentiel locatif depuis… 1984.
Cela a commencé avec les lois Méhaignerie et Quilès-Méhaignerie entre 1984 et 1997 : un dispositif de défiscalisation imaginé pour (je cite) « enrayer le déclin de la construction de logements et proposer une offre nouvelle en dynamisant les investissements locatifs neufs ».
Depuis, tous les gouvernements successifs, à droite comme à gauche, favorables ou non aux investisseurs, ont proposé leurs lois de défiscalisation estampillées du nom du ministre du Logement de l'époque : Périssol (1996 -1999), Besson (1999 - 2002), Robien (2003 - 2006), Robien recentré et Borloo (2006-2009), Scellier (2009-2012) puis Scellier intermédiaire, Duflot (2013-2014), Pinel (depuis 2014) qui cohabite avec Denormandie (2019) et Pinel Plus (2023).
Sans parler des logements situés en Outre-Mer qui ont bénéficié de leurs propres politiques d'incitations fiscales, en 40 ans, il ne s'est pas écoulé une seule année sans que les épargnants investisseurs dans le logement puissent revendiquer une réduction d'impôt en contrepartie d'un investissement dans le logement locatif dans l'hexagone (que ce soit en direct ou via des SCPI dites « fiscales »).
Ces dispositifs ont été partiellement efficaces puisque le nombre de logements a doublé en 40 ans. C'est une croissance un peu plus rapide que la population, mais beaucoup de logements ne sont pas alignés avec la demande (trop chers ou mal placés) et certains logements ont été réaffectés à la location touristique ou d'affaires de courte durée (phénomène Airbnb).
Il y a de nombreuses raisons à cela.
Sur le plan du marché, on manque toujours autant de logements sociaux et les logements sont chers. La location meublée de courte durée assèche le marché locatif à usage de résidence principale dans certaines agglomérations.
Sur le plan du crédit, les taux d'intérêt augmentent et font fondre le pouvoir d'achat des ménages. Le durcissement des conditions d'octroi du crédit voulu par la Banque de France, et les effets secondaires du taux d'usure, empêchent beaucoup de foyers de devenir propriétaires ou de s'agrandir.
Quant au prix des matériaux, que ce soit pour rénover ou pour construire, le conflit en Ukraine a un impact sur les prix de l'énergie et des matières premières. L'augmentation des coûts de construction et de rénovation s'accompagne d'une flambée des normes pour un habitat toujours plus respectueux du climat.
Les investisseurs visent désormais un
L'objectif de « zéro artificialisation nette » (ZAN) visant à stopper la progression des surfaces construites vient également compliquer l'équation. Pour construire, il va falloir rehausser ou démolir. Si rehausser peut se révéler un bon calcul, la démolition est un processus plus long et coûteux.
Dans ce contexte, le nombre de permis de construire ne cesse de chuter depuis août 2022 suscitant des appels à l'aide de plus en plus pressants des professionnels du logement à destination des pouvoirs publics.
Christophe Béchu, ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des Territoires, et Olivier Klein, ministre délégué à la Ville et au Logement, ont lancé fin novembre 2022 le « Conseil national de la refondation » (CNR) logement.
Dans le cadre de la démarche « France nation verte » et sous l'impulsion d'Emmanuel Macron et d'Élisabeth Borne, le CNR est dédié aux enjeux sociaux, économiques et environnementaux du logement. Il est décliné en ateliers thématiques lancés depuis le mois de décembre.
Mais le « plan logement » annoncé par l'Élysée pour le 9 mai attendra encore un peu. Olivier Klein devait en effet dévoiler une vingtaine de propositions tirées des travaux du CNR, mais le chef de l'exécutif n'a pas dû être convaincu par ce plan puisque sa présentation a été reportée sine die.
Emmanuel MACRON a temporisé en prenant la parole, appelant à un « double choc » dont une « simplification et une réduction des délais » de construction.
Est-ce là que se situe le problème et la solution ? Nous verrons bien, mais sans vouloir faire de la politique, la déclaration du chef de l'Etat qui parle d'un « système de sur-dépenses publiques inefficace » et d'un « paradis pour les investisseurs » ressemble plus à un aveuglement idéologique qu'à une vision politique de nature à sortir de la crise structurelle du logement.
Dès le début de son premier quinquennat, Emmanuel MACRON a affirmé son désamour pour l'immobilier et sa volonté de ne pas favoriser les investisseurs, créant même dans la foulée un impôt sur le patrimoine immobilier (l'IFI) pour succéder à l'ISF. Un impôt qui ne vise que les particuliers puisque les logements détenus par les assureurs et les institutionnels en sont exonérés.
Sur le système de sur-dépenses publiques inefficace, on parle de 38
Mais le débat n'est pas nouveau. Sous la présidence de Nicolas Sarkozy, le gouvernement faisait déjà la chasse aux «
Si l'immobilier est un paradis, c'est sans aucun doute pour l'Etat qui collecte de nombreuses taxes, et qui profite indirectement de l'activité économique qui gravite autour de ce secteur qui est l'un des piliers majeurs de notre économie.
Du côté des épargnants, le logement c'est souvent :- une fiscalité lourde et pénalisante (sauf aides fiscales spécifiques). Il suffit d'additionner les taxes directes et indirectes qui frappent les propriétaires pour s'en rendre compte ;- une sur-protection des locataires, mauvais payeurs ou squatteurs qui mettent les propriétaires en difficultés et bafouent trop souvent le droit soi-disant « inaliénable et sacré » de propriété ;- l'encadrement des loyers (alors que rien ne plafonne la hausse des charges) et les nouvelles règles relatives au DPE et la mise aux nouvelles normes qui sont un vrai casse-tête et une charge parfois impossible à supporter ;- toujours plus de paperasses, avec cette année encore une nouvelle obligation déclarative qui vise les propriétaires immobiliers. L'écart entre la vision politique et la réalité du marché est tel que l'on peut douter de l'efficacité des mesures qui seront proposées.
Si vous pensez que les prochaines réformes vont résoudre (enfin) la crise du logement, alors mieux vaut éviter d'investir. Si vous pensez que la situation va perdurer voire s'aggraver, la crise du logement ressemble plutôt à une aubaine.
Avec la chute des mises en chantier, le retrait de nombreux logements du marché locatif pour cause de DPE non conformes, la hausse des coûts de construction, la raréfaction du foncier et les difficultés d'accéder au crédit pour acheter, l'écart entre la demande locative et l'offre locative ne fera que s'amplifier. Et tout ce qui est rare est cher. C'est une loi fondamentale du marché.
Ainsi les propriétaires de logements aux dernières normes, bien situés, n'auront pas de mal à trouver des locataires et à rentabiliser leur investissement, surtout s'ils utilisent un des nombreux dispositifs d'aide fiscale, qu'il s'agisse du Pinel Plus, du déficit foncier, de la loi Malraux ou des Monuments Historiques par exemple.
Editorial extrait du Parlons Finances n°97
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• tout investisseur potentiel doit se rapprocher de son prestataire ou de son conseiller pour se forger sa propre opinion sur les risques inhérents à chaque investissement indépendamment des opinions et avis communiqués par les gestionnaires, et sur leur adéquation avec sa situation patrimoniale et personnelle.