SVB

Mardi 14 mars 2023

Depuis quelques temps, les marchés n'aiment pas beaucoup les acronymes en 3 lettres : quand ce n'est pas la FED et la BCE qui remontent leurs taux d'intérêt, c'est SBF qui met en faillite FTX et qui stresse les BTC et autres crypto-monnaies.

Maintenant c'est SVB qui fait ressurgir le spectre d'une crise financière en provenance des États-Unis.

Il est probable que vous n'ayez jamais entendu parler de SVB, la Silicon Valley Bank, avant la semaine dernière. Mais depuis vendredi on ne parle plus que d'elle car c'est la plus grosse faillite de banque depuis la funeste année 2008.

La nouvelle fait réagir tous les acteurs de l'éco-système financier, jusqu'en Europe, puisque les cours des bancaires européennes ont chuté de 5 à 10%, voire 15% en une seule séance !

Joe Biden lui-même a dû intervenir pour rassurer sur la solidité du système financier américain en déclarant : « Les Américains peuvent avoir confiance dans le fait que le système bancaire est sûr. Vos dépôts seront là quand vous en aurez besoin ».

Le système est solide, peut-être, car la volonté est là de ne pas perdre la confiance des déposants. Mais la fiabilité du système laisse quand même à désirer.

Je consacrais déjà mon édito du mois de novembre dernier à l'escroc Sam Bankman-Fried (SBF) qui venait tout juste de mettre en faillite sa société FTX avec un nombre invraisemblable d'irrégularités qui auraient dû être détectées depuis bien longtemps par les organismes de contrôle américains.Et avant lui, personne n'a oublié d'où venait Bernard Madoff…

Dans la nuit du 8 au 9 mars 2023, la maison mère de la Silvergate Bank annonçait son intention de liquider cette banque classique très active dans la finance décentralisée (crypto-monnaies).

Puis c'est au tour de SVB, 16ème banque des États-Unis par la taille de ses actifs, de déposer le bilan. Et seulement 3 jours après que celle-ci ait posté un tweet dans lequel elle se félicitait d'avoir été désignée par l'agence de notation Forbes comme l'une des meilleures banques américaines !

Peut-on se fier aux agences de notation américaines ? Le sujet faisait déjà débat en 2008 et visiblement, la réponse n'a pas beaucoup changé.

Puis c'est la Signature Bank, également très active dans les crypto-monnaies, que les régulateurs décident de fermer.

3 faillites de banques américaines en quatre jours, cela commence à faire du bruit.

Quant au cours de l'action de la banque californienne First Republic, elle perdait 65% à l'ouverture de la bourse, après avoir déjà perdu 30% en 2 jours.

Bref, comme toujours, les crises financières viennent des États-Unis, et le reste du monde tremble.

Mais cette fois le scénario n'est peut-être pas aussi noir. Il pourrait même nous réserver de bonnes surprises. Pourquoi ?

1ère question : les déposants sont-ils en risque ?

A priori, non, car en prenant le contrôle de la SVB vendredi, la Federal Deposit Insurance Corporation (ou FDIC), l'Agence fédérale de garantie des dépôts américains, protège les déposants.Cela n'empêchera pas les actionnaires de perdre tout ou partie de leurs investissements, et pour certains créanciers de perdre tout ou partie de leurs créances. Notons cependant que la mise en liquidation ordonnée de banques en difficulté par le régulateur américain est assez courante et efficace, permettant généralement aux déposants et créanciers de recouvrer leur dû.

2ème question : les États-Unis ont-ils tiré les leçons de la crise de 2008 ?

Oui, et non, car ils avaient renforcé leur réglementation sur les banques avec la loi-cadre du « Dodd-Frank Act ». Mais elle a été partiellement révisée sous la présidence de Donald Trump en faisant passer de 50 Md$ à 250 Md$ le seuil à partir duquel les banques sont considérées comme présentant un risque systémique et font l'objet d'une surveillance plus stricte. Or SVB possédait 209 milliards de dollars d'actifs à la fin de l'année dernière, ce qui la situait un peu en-deça du seuil de surveillance accrue.

3ème question : le risque est-il systémique ?

A priori non. En premier lieu sa taille la situe comme on vient de le dire en-dessous de la zone jugée critique. Ensuite, l'activité de cette banque est très spécifique et son modèle très concentré. Et à cela s'ajoute une mauvaise gestion de sa forte croissance dans une période atypique de forte remontée des taux d'intérêt.

Son actif était principalement constitué de prêts (à des start-ups ou via des fonds de dette privée), et de titres d'obligations à taux fixe. Son passif (les dépôts) portait principalement sur le secteur de la tech californienne (comme son nom le suggère).

Environ 20% de son portefeuille d'obligations à taux fixe est comptabilisé en valeur de marché. La variation de la valeur de marché de ses titres impacte le montant de ses capitaux propres, or avec la remontée des taux, le portefeuille s'est déprécié (SVB avait annoncé mercredi dernier avoir constaté une perte de 1,8 Md$ sur un portefeuille de 21 Md$).

Les actifs obligataires en HTM (Hold to maturity) évalués à environ 80 Md$ fin 2022, sont quant à eux valorisés en fonction des flux futurs (coupons, remboursement du principal) et non pas en fonction de leur valeur de marché. Mais à la condition que la banque ne vende AUCUN de ces titres et qu'elle les conserve jusqu'à leur échéance.

La vente d'un titre de ce portefeuille comptabilisé en HTM a pour conséquence de comptabiliser en valeur de marché 100% de ce portefeuille, ce qui, dans le contexte de hausse des taux actuel, conduirait SVB à constater une perte importante sur l'ensemble du portefeuille.

En effet, ses dépôts qui ont été multipliés par 3 (de 61 Md$ fin 2019 à 189 Md$ fin 2021) ont été principalement utilisés pour doubler la taille du portefeuille de prêts à 66 Md$, mais aussi pour multiplier par plus de 7 le portefeuille d'obligations HTM (de 13,5 Md$ fin 2019 à 99 Md$ fin 2021) sur un pic de marché (taux bas). La forte remontée des taux en 2022 a ainsi constitué une énorme poche de moins-values latentes dans le portefeuille d'obligations HTM.

Autre effet indésirable de la remontée du taux de la facilité de dépôt de la FED : cela augmente le coût de financement des banques qui ont un risque de taux non couvert. La hausse des taux depuis le début de l'année 2023 a eu pour effet de réduire la marge nette et donc de dégrader son résultat.

Concernant le risque des dépôts : rappelons que depuis la crise de 2008, les dépôts sont couverts par une garantie jusqu'à 100 K€ en Europe et jusqu'à 250 K$ aux États-Unis.Mais les déposants de SVB étaient des entreprises avec des niveaux élevés de trésorerie, bien supérieurs à 250 K$. Certaines sociétés qui ont pu lever des centaines de millions de dollar laissés en dépôt sur les comptes de la banque. La part des dépôts de SVB couverts par cette garantie des dépôts était donc très faible. La crainte est alors apparue qu'en cas de « bank run » (lorsque les clients d'une banque perdent confiance dans l'institution et retirent leurs dépôts simultanément, entraînant la faillite de la banque) SVB soit obligée de vendre les titres de son portefeuille en HTM. La matérialisation du stock de moins-value latentes aurait conduit son actif net à devenir négatif. La partie des dépôts non couverts se serait alors trouvée en situation de risque, conduisant à la défaillance de SVB.

C'est pourquoi la FDIC (autorité de résolution et de garantie des dépôts aux États-Unis) a pris le contrôle de la banque, pour isoler les dépôts et les liquidités, avant de procéder à une valorisation de la banque, en cherchant à maximiser la valeur liquidative des actifs.

Au chapitre des nouvelles rassurantes, notons que certaines banques (comme HSBC pour la région UK par exemple) ont déjà fait connaître leur intention de racheter certaines activités de SVB.

Compte tenu de l'activité très spécifique de cette banque, de sa situation particulière qui ne devrait pas s'étendre à l'Union Européenne (les établissements de crédit sont soumis à des règles un peu différentes, dont le NSFR, ratio structurel de liquidité à long terme, mis en place par Bâle III après la crise de 2008 qui limite ce genre de situation) Bruno Le Maire a déjà déclaré qu'il n'y avait pas de risque de contagion en France.

A noter toutefois que si SVB avait du se conformer aux exigences de Bâle III, elle aurait satisfait aux exigences de ratio de liquidité à court terme supérieur à 100%. C'est donc plus le caractère spécifique de son activité que les garde-fous qui devrait éviter l'effet domino.

4ème question : quels sont les dommages collatéraux de cette faillite ?

Le premier concerne les start-ups et leur éco-système déjà malmené par la remontée des taux et l'assèchement des liquidités. La SVB était la banque de 65 000 start-ups (50% de ses clients) qui ne misent que sur l'hyper-croissance, au détriment de la rentabilité, et qui se trouvent fragilisées voire en difficulté, certaines d'entre elles risquant d'être en situation de ne pas pouvoir payer les salaires de leurs employés. Le second dommage collatéral concerne l'univers des crypto-monnaies, car SVB tenait en ses livres le collatéral d'un stablecoin, l'USDC, qui a perdu 15% en quelques heures.Or un « stablecoin » est une monnaie numérique adossée à une valeur-refuge « stable » comme le dollar américain ou l'or. Les stablecoins sont conçus pour réduire la volatilité par rapport aux cryptomonnaies non-adossées comme les bitcoins par exemple.3,3 Md$ de réserves de l'USDC sont déposés en garantie chez SVB.

Ce flot de mauvaises nouvelles déclenche évidemment de nombreuses réactions.

Du côté des start-ups, les sociétés de capital-risque se mobilisent et appellent les gouvernements à l'aide.Cette situation nouvelle peut-elle obliger la Fed à procéder à un virage à 180 degrés sur sa politique monétaire ?Tiraillée entre 2 objectifs contradictoires, la banque centrale américaine va-t'elle privilégier la poursuite de la lutte contre l'inflation ou la préservation de la stabilité financière menacée par le vent de panique autour des banques régionales ?C'est la question que tout le monde se pose.

Cette faillite pourrait donc être un « game changer » qui pourrait s'avérer finalement favorable aux actions, à conditions que les autorités américaines gardent le contrôle de la situation, ce qu'elles semblent bien déterminées à faire.

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