La mauvaise habitude prise par les États de dépenser sans compter a longtemps été tolérée par les marchés financiers. Les champions du sur-endettement vont devoir reprendre le contrôle de leurs dépenses publiques sans tarder. Le temps est venu de digérer les excès de dépenses et de soutiens publics et de reprendre le budget en main.
D'autant plus que les taux remontent, vite, et fort. Aux États-Unis le T-Bond est déjà à plus de 3%, tandis que l'OAT 10 ans (France) vient de remonter au-dessus des 2%. Rappelons qu'il y a à peine 9 mois de cela, le TME (Taux Moyen des Emprunts d'Etat) était en territoire négatif (-0,11% en moyenne en septembre 2021) tout comme l'OAT 10 ans français qui était encore émis à -0,03%. L'Etat français touchait alors de l'argent pour emprunter, et d'une certaine manière, plus il empruntait, plus il améliorait ses finances. Maintenant, il va devoir supporter le coût de sa dette, comme tout le monde, et au rythme auquel les taux remontent, cela va creuser d'autant plus rapidement nos déficits.
Quant aux charges, elles augmentent naturellement avec l'inflation. A titre d'exemple, le pétrole a presque doublé sur la même période, puisqu'il cote actuellement un peu plus de 120 dollars contre 73 dollars en septembre. Il a même été multiplié par 6 par rapport au plus bas de 2020, mais le prix à l'époque était anormalement bas. En pratique, c'est tout de même une hausse des coûts à laquelle l'Etat doit faire face, comme les ménages, augmentée par les mesures de soutien consenties comme les primes « inflation » et la prise en charge d'une partie de la hausse des prix de l'essence.
Sur le plan politique, après le « quoiqu'il en coûte », le retour de la rigueur dans la gestion des finances publiques est inéluctable et risque de faire grincer les dents. En France, le nouveau gouvernement va devoir piloter sa politique budgétaire avec finesse car la dynamique « En Marche » a cédé la place au mouvement « Ensemble » qui traduit un essoufflement politique après un quinquennat jalonné d'épreuves, des gilets jaunes au Covid en passant par la réforme des retraites et la guerre en Ukraine. Le point positif est que le président fraichement élu pour 5 ans ne pourra pas briguer un troisième mandat, ce qui est de nature à favoriser des décisions politiques moins électoralistes, à condition de trouver le nécessaire soutien des députés et de la population pour mettre en œuvre des décisions courageuses mais forcément impopulaires.
Avec la remontée des taux, l'acronyme TINA (« There Is No Alternative ») dont nous parlions dans notre édito de janvier n'est plus du tout d'actualité. Les rendements offerts par le marché obligataire redeviennent attractifs, et c'est une des raisons qui explique la baisse prononcée de certains actifs comme les valeurs de croissance peu ou pas encore rentables, ou la pause marquée par l'or, un actif pourtant réputé protecteur contre l'inflation mais qui souffre de l'absence de rendement. Les plus touchés actuellement sont évidemment les crypto-actifs qui ne génèrent aucun rendement et qui sont très pénalisés par leur volatilité dans une période de forte aversion au risque.
Dans ce contexte, les valeurs bancaires souffrent également, avec 2 courants contraires : l'un favorable qui est la remontée des taux donc des marges, l'autre défavorable avec une baisse de volumes qui serait due à une baisse de la croissance économique (stagflation voire récession) et/ou aux effets du durcissement des conditions d'octroi du crédit. La question est de savoir si le premier l'emportera sur le second. Le marché semble croire plutôt à la seconde option. Il faut dire qu'à cela s'ajoutent les réglementations du Haut Conseil de stabilité financière (HSCF) encadrant l'octroi des prêts immobiliers qui sont devenues juridiquement contraignantes depuis cette année en France. Les banques sont tenues de les appliquer sous peine de sanctions.
Pour mémoire :
Il nous semble toujours intéressant de s'endetter à taux fixe pour investir, sur des durées longues, mais les banques ne pourront déroger à la réglementation du HSCF que pour 20% des crédits accordés par trimestre. Les ménages faisant l'acquisition de leur première résidence principale devraient être privilégiés. Pour les autres, ce sera plus dur d'obtenir une dérogation, à moins de contourner l'obstacle en procédant à ses acquisitions par le biais de sociétés civiles (SC, SCI) ou de sociétés comme les SARL de famille par exemple. L'introduction d'une personne morale dans l'opération permet d'éviter les contraintes évoquées précédemment, mais cela concerne une population plus avertie et plus aisée que la moyenne.
Alors l'immobilier est-elle la valeur refuge qui vous protégera à coup sûr de l'inflation ? A court terme ce n'est pas certain car plusieurs vents contraires doivent là aussi être pris en considération.
Trois facteurs jouent en faveur du ralentissement de la hausse des prix, voire d'une baisse : la difficulté à emprunter au-delà des seuils (cf les réglementations du HCSF), la réduction de la durée d'emprunt et la remontée des taux qui alourdit le poids des mensualités et donc la capacité à acheter toujours plus cher, et la hausse des prix des matières premières qui va impacter bien sûr la construction neuve, mais aussi l'ancien à rénover. Or le durcissement des normes, notamment liées aux objectifs de performance énergétique prévue par la loi Energie-Climat, obligera de plus en plus de propriétaires à effectuer des travaux de rénovation, qu'ils le veuillent ou non.
Concernant les facteurs favorables, pour l'immobilier d'habitation, on peut citer la pénurie de biens par rapport à la demande. Et pour l'immobilier d'entreprise, des grosses disparités sectorielles, mais des perspectives toujours favorables pour l'immobilier de bureau avec un recul progressif du télétravail, à condition que les locaux offrent des prestations à la hauteur des exigences accrues des locataires, et que l'emplacement soit recherché par des entreprises de premier plan, riches, et capables de payer leur loyer et d'absorber les hausses à venir.
En effet, sur le papier, l'indexation des loyers protège les propriétaires immobiliers de l'inflation. Sauf si le locataire ne peut pas suivre, et si la réglementation change. Or le secteur de l'immobilier d'habitation est très exposé à ces 2 risques : en cas de flambée des loyers, et de stagflation, les locataires risquent de devenir rapidement insolvables, ce qui peut se traduire par un congé et une baisse de loyer pour trouver le prochain locataire (scenario encore assez favorable) ou par une hausse des loyers impayés et un engorgement judiciaire (scenario très défavorable). Avant cela, il est quasi certain que l'Etat changera la règle du jeu en faveur des locataires, pour des raisons politiques et sociales. L'indexation des loyers sur l'inflation est donc loin d'être garantie.
Dans l'immobilier d'entreprise, l'économie de marché devrait continuer à auto-réguler les prix, en fonction de l'offre et de la demande. Les propriétaires bailleurs devront négocier au cas par cas pour s'adapter à leurs locataires, et au type de bien loué. Le petit commerçant aura du mal à suivre la hausse du loyer de sa boutique, tandis que les multinationales pourront souvent répercuter plus facilement les hausses de prix dans leurs produits ou services. Dans ce contexte, l'immobilier « prime » est celui qui devrait tirer le mieux son épingle du jeu, et plus particulièrement les bureaux les plus emblématiques et les plus chers qui servent de siège social ou de vitrine aux grandes marques.
La hausse des taux et de l'inflation, dans un contexte économique moins porteur, crée donc une pression forte sur de nombreux actifs. Ce changement brutal de conjoncture crée des ajustements importants, parfois exagérés, et fait apparaître des opportunités nouvelles, pour qui saura les saisir.
La baisse généralisée des marchés actions a déjà commencé faire apparaître des décotes intéressantes sur certaines entreprises, que les stock-pickers (gérants spécialisés dans la sélection d'entreprises prometteuses) vont pouvoir mettre à profit pour renforcer ou pour acheter à bon compte, dans une optique à moyen et long terme.
Les fonds de private equity (investissements en non coté) qui lèvent actuellement des fonds vont pouvoir les investir sur la base de multiples de valorisation qui vont devenir plus favorables aux investisseurs entrants. Quant aux fonds de dette privée, ils voient le rendement moyen de leurs portefeuilles augmenter sensiblement.
La remontée des taux permet en effet de construire à nouveau des portefeuilles obligataires, avec un couple rendement/risque attractif. Cela faisait bien longtemps que l'on n'avait pas pu s'intéresser réellement à cette classe d'actifs, mais il est désormais possible de viser des rendements compris entre 3 et 6% (voire plus pour le segment « high yield ») en contrepartie d'un niveau de risque très raisonnable et qui peut être réduit par des mécanismes de garantie partielle contre les risques de défaut pour certains fonds. Si l'on considère que nous sommes actuellement proches du pic de l'inflation, ces rendements pourraient permettre de faire mieux que protéger votre pouvoir d'achat.
Les « produits structurés » ou « fonds à formules » bénéficient aussi pleinement de cette conjoncture. Pour pouvoir créer un bon produit structuré, il vaut mieux avoir des taux élevés et des marchés volatiles. Actuellement, ces fonds peuvent jouer sur ces 2 leviers et l'on voit naturellement apparaitre des produits très opportunistes, avec un niveau de protection assez élevé et des rendements attrayants.
Dans le domaine de l'immobilier, certains véhicules présentent aussi des opportunités, soit parce qu'ils ont fortement baissé (pour les véhicules cotés en bourse par exemple), soit parce qu'ils sont positionnés sur des niches durablement rentables (bureaux prime, secteur de la santé et de l'éducation, mais aussi l'hôtellerie qui prend sa revanche après les années Covid). Les infrastructures retiennent aussi notre attention dans le contexte actuel pour sa capacité à s'indexer sur l'inflation sur le long terme. Mais sur les prochaines années, nous pensons que l'immobilier ne sera plus gagnant à tous les coups. Une plus grande sélectivité sur les biens et les gérants d'actifs s'impose pour tirer son épingle du jeu dans le monde de demain.
Si vous n'avez rien modifié à votre allocation d'actifs ni saisi aucune opportunité d'investissement depuis le début de l'année, il est probable qu'un entretien avec votre Gestionnaire de Patrimoine avant l'été se révèle fructueux à moyen terme. En ces périodes de changements, je ne peux que vous recommander d'augmenter la fréquence de vos échanges avec nos Conseillers.
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